Site Personnel de Rachid RAHA
Excellences,
M. Baudelaire Ndong Ella, président du Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU,
Mme. Fatou Bensouda, Procureur Général de la Cour Pénale Internationale,
M. Ibrahim Salama, du Haut Commissaire aux Droits de l'Homme de l'ONU,
Mme. Elena Valenciano, présidente de la Commission des Droits de l'Homme de l'Union Européenne,
M. Karim Lahidji, président de Fédération Internationale des Droits de l'Homme,
Mme. Navi Pillay, précédente Haut Commissaire aux Droits de l'Homme de l'ONU,
M. José Luis Rodriguez Zapatero, ancien président du gouvernement espagnol,
M. Saber Hossain Chowdhury, président de l'Union Interparlementaire Internationale,
M. Jim Boumelha de la Fédération Internationale des Journalistes,
Excellences,
A l'occasion de la célébration du 66e anniversaire de l'adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, j'ai l'honneur d'appeler votre attention sur la situation des droits humains au Maroc et plus précisément sur ce qui s'est déroulé lors du deuxième forum mondial des droits de l'homme, à Marrakech, du 27 au 31 novembre dernier, auquel vous avez eu l'opportunité de participer
Excellences,
Si vous avez été bien accueilli, hospitalité marocaine oblige, vous avez probablement constaté que cela n'a pas été le cas pour tout le monde. D'aucuns ont été victimes de la discrimination raciale manifeste de la part des organisateurs comme cela a été notre cas, en tant que représentants du peuple autochtone amazighe, connu sous le nom de « berbères ».
Excellences,
Laissez moi vous confesser qu'en tant que militant amazigh, engagé dans la défense des droits des amazighs à l'échelle internationale depuis une vingtaine d'années, ayant eu le privilège de participer, par exemple, à la conférence euro méditerranéenne de Barcelone en 1995, à celle de l'UNESCO à Paris en 1999, ou à la Conférence Mondiale contre le Racisme de l'ONU à Genève en 2009, je ne me suis jamais senti humilié dans une quelconque de ces rencontres internationales à l'inverse de ce qui vient d'avoir lieu dans mon propre pays et dans la ville que nos aïeuls ont fondé et qui a abrité l'une des plus grandes dynasties amazighes, à savoir la capitale des almoravides et les almohades (voir la carte ci-après).
Sachez que les défenseurs amazighs des droits humains, les représentants du peuple autochtone de ce pays, étaient inscrits dans une « black list » afin d’être privés d’assister aux séances plénière sous prétexte de manque de places (alors que des chaises dans la partie arrière du ‘hangar’ sont restés vides lorsque vous preniez la parole). Nous avons aussi été interdits aussi en tant que journalistes amazighes détenant presque le seul titre existant dans toute l’Afrique du Nord, alors que les organisateurs ont préféré octroyer des accréditations à plus de 390 journalistes. Le pire, ils ont même essayé de nous interdire catégoriquement d’entrer dans la grande tente du village de Bab Jdid, alors qu’elle était censé être, selon le programme, ouverte au grand public (voir le témoignage de cette vidéo: (Lien...)
Pourquoi ?
Pour la simple raison que nous, les citoyennes et citoyens Amazighs de ce pays nous vivons malheureusement et quotidiennement sous un système institutionnalisée d’apartheid anti-amazigh que nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer lors de la visite de la précédente haut commissaire des droits de l’homme, Mme. Navi Pillay, le 28 mai dernier lors de sa visite officielle à Rabat (voir: http://amadalpresse.com/RAHA/Lettre17.html ). Ces interdictions ont été faites pour que vous n’arriviez pas à écouter notre voix durant ce forum. On parle beaucoup d’exception marocaine, et effectivement, elle l’est parce que les autorités marocaines ont parfaitement réussi à vous vendre et à vendre à l’extérieur une image du pays qui n’est pas celle de la réalité, l’image de celle d’un Etat profondément conservateur, autoritaire et répressif qu’on dénomme le « Makhzen » et qui applique une politique douce et suave d’apartheid de la part d’une petite minorité dominante qui se veut d’origine « Arabe » contre la majorité des dominés, formé par des citoyens/es amazighs amazighophones ou arabophones. Cette discrimination, il faut le dire, n’est pas du tout similaire ni aussi violente que celle qui avait eu lieu dans l’autre bout de notre continent, en Afrique du Sud, du fait que la couleur de la peau marquait clairement la ségrégation. La discrimination qui règne chez nous est plus fine, plus subtile, mais véhicule quand même une violence symbolique plus qu’une violence physique et constitue un système d’exclusion de la majorité de la population.
Excellences,
Le Maroc reste un état policier malgré sa campagne sur les bienfaits de la réforme de sa dernière Constitution du 1 juillet 2011, à la suite du mouvement 20 février ; preuve s’il en est c’est de voir comment s’est déroulé l’organisation de ce forum mondial des droits de l’homme auquel vous venez de participer. Au lieu d’être encadrés par des militants civils et par des ONG, partout où on passait, on était confrontés à des agents de police, à des agents de sécurité privée et même à des videurs de discothèques qui se dressaient comme des murs inhumains devant les participants, les défenseurs des droits universels des droits de l’homme et des droits des peuples autochtones... Des plénières, des ateliers, certaines tables rondes complètement fermés aux participants ayant réussi pourtant à avoir leurs badges, mais à qui on demandait d’avoir une autre « invitation » que personne ne savait où se procurer, ni où elle se distribuait: au Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), chez le ministère de l’intérieur (selon le site badil.info) ou encore au sein d’une association méconnue dite « générations des droits humains »? A propos de cette dernière, il paraît qu’elle a vu le jour juste depuis six mois pour gérer un budget de 17 millions d’euro. Personne n’en avait jamais entendu parler, ni qu’elle défendait les droits de qui que ce soit ; elle aurait été créée dans la précipitation par certaines personnages de l’entourage d’un des conseillers du roi, en l’occurrence l’ex-ministre de l’éducation nationale, M. Ahmed Akhchichène, amplement connu pour son penchant idéologique panarabiste et « pam-iste », et ayant le malheureux mérite d’avoir réussi à avorter la généralisation de l’enseignement de la langue amazighe. Quoi qu’il en soit, les organisateurs connaissaient parfaitement que la ville de Marrakech disposait d’un troisième Palais des Congrès (le Mogador) avec une capacité globale d’accueil de 5.000 places que le milliardaire Miloud Chaabi avait construit en investissant un milliard 200 millions de dirhams. Les organisateurs ont pourtant refusé de faire appel à ce palais des Congrès, -en obligeant tous les participants à marcher dans la boue-, parce que bizarrement Miloud Chaabi est l’un des rares hommes d’affaires qui s’implique dans la défense des droits de l’homme, jusqu’à participer activement avec les jeunes dans les manifestations du 20 février.
Excellences,
Les institutions étatiques du Maroc ne se soucient guère de la promotion réelle sur le terrain des droits humains, et en témoigne clairement le budget de cette année 2015. Selon ce dernier, l’état dédie pour le ministère de l’intérieur un budget de 29 milliards de dirhams dont elle consacre à la police politique, connu sous le nom de la DST, une part importante de 94.000.000,00 de dirhams, alors que pour la classe politique, (formée de plus d’une trentaine de formations partisanes, supposés ayant le rôle fondamental d’encadrer les jeunes, les classes sociales et défendre les couches défavorisées), se partage la maigre somme de 8.000.000,00 Dh (akhbar al yawm 12/11/2014). Et c’est grâce à ses fonds que le « Makhzen » a réussi depuis longtemps à confectionner une communauté parallèle de « faux » militants de défenseurs des droits de l’homme et à récupérer d’anciens gauchistes opportunistes, intégrés même au sein de différentes instances nationales et régionales comme ceux du CNDH, et qui applaudissaient lors de la mise théâtrale de ce forum dans les plénières et ateliers, sans laisser aucunement la place aux voix discordantes. Avec ce budget qui s’alourdit chaque année et les nombreuses caisses noires, les agents de la DST ont investi tout y inclus la toile internet et les réseaux sociaux pour désinformer et discréditer les militants authentiques et insulter les vrais démocrates : comment expliquez que certains de ces nuisibles agents, qu’on pourrait traiter de cas psychiatriques, sont présents sur facebook jour et nuit, à déverser des insanités et des mensonges...
Ce makhzen, qui a tant peur des citoyens pacifiques Amazighs, du fait du déploiement disproportionné de forces spéciales qui nous ont interdit la marche du Palais des Congrès vers Bab Jdid, le samedi 29 novembre 2014. (Lien...), est arrivé même à créer et à financer des ONG’s artificielles de militants opportunistes en créant des divisions, avec cette pérenne monnaie romaine que pour régner il faut diviser. Ainsi, notre ONG internationaliste, créée en 1995, appelé Congrès Mondial Amazigh, avant de changer de dénomination n’a pas échappé à la dite stratégie: les frais de séjour et de déplacements, y inclus l’argent de poche, de ceux ou celles qui ont assisté à leur illégal congrès général de Meknès en octobre 2008, ont été tous couverts par le tout puissant ministère de l’intérieur à travers sa wilaya de Meknès… Sans parler du président même du CNDH, et qui est à la fois président du Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCME), et qui se refuse à se présenter au parlement pour éviter de répondre des malversations de deniers publics. M. Driss Yazami, nous a surpris en impliquant dans l’organisation de ce forum certains pseudo-militants gauchistes, supposés s’occuper de la question amazighe, et qui paraît-il ont des relations assez suspectes avec certains milieux des narcotrafiquants du nord.
Excellences,
On vous a vanté que le Maroc a consacré sa langue amazighe comme langue officielle dans la Constitution marocaine depuis trois ans. Mais savez-vous combien le budget de l’état lui a dédiée pour sa promotion pour cette année 2015 et les années d’avance? 0,00 Dh (en lettres zéro dirham). Ainsi avec l’obsession d’affaiblir les vrais démocrates et les défenseurs libres des droits humains, et à force de domestiquer les acteurs politiques, le Makhzen marocain a réussi à favoriser directement le recrutement des centaines de jeunes par des milieux salafistes et par des cellules djihadistes d’AL QAÏDA, d’AQMI, de MUJAO et de DAECH… (lire : http://www.rachidraha.com/Terroristes.html).
Excellences,
Lors de votre séjour au Maroc, avez-vous demandé comment il se faisait que des infrastructures se sont effondrés dans le sud et le sud-est marocains à la suite de ces dernières inondations et qui ont coûté la vie à une cinquantaine de personnes ? Une première réponse à cette catastrophe nationale ne peut venir que de la corruption généralisée qui caractérise les fonctionnaires du ministère de l’intérieur. Croyez vous que c’est normal que ce tout puissant ministère, à part de la sécurité, soit chargé de s’occuper de « développement humain » tant chanté par l’état marocain. Est-ce normal que ce ministère finance ouvertement plus de 50.000 associations dans le cadre de ce l’INDH ? Que dire de la complicité de certains élus locaux corrompus, sans soucie de la vie dure et des contraintes sociales des populations rurales et montagnardes et de leur enclavement.
Excellences,
Le ministère de l’intérieur a pris dernièrement l’initiative de lancer un dialogue national sur le thème des « terres collectives et tribales » dans le but de réformer le cadre législatif et l’amélioration des procédures de gestion de ces terres collectives par les acteurs sociaux et politiques soit crédible, en invitant à ses réunions des représentants désignés par ce département alors que c’est ce ministère qui est au centre du plus grand problème des expropriations, et qui complique encore plus la gestion de ces terres et qui porte sérieusement atteinte à la cohésion sociale des communautés « soulaliyates », et par conséquent nuit aux intérêts des ayant-droits et de les pousser par conséquent à plus d’exode rural. Une profonde problématique qui couvre une superficie de presque 15 millions d’hectares.
Excellences,
La gravité du cas de Mme. Halima Idrissi, représentante de sa tribu « Ait Lahcen » de la province de Khémisset mérite d’être rappelé : convoquée par le gouverneur de sa province afin d’essayer de jouer le rôle d’intermédiaire pour faciliter la résolution d’un problème de leur terrain, inscrit à la propriété foncière sous le numéro 4367. Celle-ci travaillant dans une autre ville, en venant chez elle, s’est retrouvée au cœur d’un tabassage organisée de la part de la gendarmerie, d’une tentative de viol et au centre d’un procès judiciaire contre elle, avec une condamnation à un an et demi de prison après avoir été réprimée sévèrement et déshabillée devant les membres de sa tribu afin de la déshonorer publiquement.
Excellences,
Nos parents étaient impliqués dans l’armée de libération du Nord qui a arraché l’indépendance du Maroc en 1956 pour que les terres des tribus soient restituées aux vrais propriétaires, les ayants droits. Malheureusement, ce qui s’est passé depuis cette date c’est tout à fait le contraire ; les nouveaux gouvernants et les notables ruraux ont continué l’œuvre de la colonisation en expropriant de plus en plus les terrains collectifs.
Au lieu de traduire devant un tribunal pénal international les responsables qataris, du fait d’être les principaux instigateurs et donateurs de pétrodollars à la mouvance djihadiste, comme en témoigne ce document officiel de son ambassade à Tripoli (voir le document ci-après et la une du journal Assabah du 2/4/2014), on leur offre gracieusement des terres pour construire des terrains de golf à Marrakech.
Est-ce normal qu’on emprisonne facilement des dizaines de personnes pour la simple raison de défendre leurs terres, sous prétexte de convoquer des manifestations sans autorisations, ou de confisquer leurs terres avec la ruse de protéger le sanglier que le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts laisse envahir leurs terres en détruisant leur agriculture de subsistance ? Est-ce juste qu’on confisque des hectares de terres aux tribus du Moyen Atlas en pleine forêt d’Ifrane, en les déboisant de ces cèdres centenaires, au moment où l’ONU sonne l’alarme d’alerte du réchauffement de la planète et des bouleversements du climat, afin que des princes qataris y construisent des châteaux de complaisance (voir la photo), alors que ces derniers sont les responsables directs du nettoyage ethnique des kurdes, des yazidis, des chrétiens syriens et des chiites irakiens de part de Daech, et inclus aussi les populations touaregs en finançant les djihadistes d’Ansar Eddine d’Iyad Ag Ghali et du MUJAO (Lien 1 et Lien 2) ?
Excellences,
En définitive, laissez moi vous confesser que nous craignons énormément que vous soyez séduits par ces hôtels de luxe comme la Mamounia, par notre cuisine raffinée et notre couscous, l’animation nocturne de notre place de Jamaâ-Lfna, comme c’est le cas d’habitude avec les diplomates, politiciens et journalistes français, et que vous oubliez à quoi vous êtes venus à Marrakech, à Tamurt n Yakuch, « terre de Dieu » en notre belle langue amazighe. Nous voulons que notre voix soit entendue et que vous fassiez tout votre possible pour que les droits du peuple de Massinissa, -de ce grand roi qui avait dit que l’Afrique est aux Africains-, soit respectée et que ce forum constitue, avec votre volonté et détermination, un nouveau départ vers la construction d’un authentique état de droit et de démocratie, en faisant pression sur les autorités marocaines pour que « soient transformés les droits de l’homme sur le papier en réalité quotidienne ».
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