Quelle Régionalisation du Maroc voulons-nous ?
Par: Rachid RAHA
L'actualité quant à l'affaire du Sahara marocain nous impose et nous oblige à débattre pour de bon d'une problématique fondamentale, que la classe politique marocaine a toujours essayé d'éviter, à savoir la Régionalisation.
Lorsque, lors de la tenue du Conseil Fédéral du Congrès Mondial Amazigh, à Agadir en Avril 2002, j'avais publiquement posé cette question, une certaine presse sensationnaliste, connue par son profond racisme envers les amazighs, s'est déchaînée sur ma personne en m'insultant, en me collant tous les maux et en m'accusant de séparatisme et déstabilisation de l'Etat. Ni plus ni moins,... Mais, ce qui me fut le plus incompréhensible du monde c'est le silence sidéral des politiciens marocains qui n'ont eu aucune réaction à notre appel quant à l'autonomie des régions amazighophones !!!
La seule institution habilitée (ou autorisée !?) à parler de la question de Régionalisation était la diplomatie marocaine qui s'est vu obligée à le faire au sein des Nations Unies afin de proposer une solution politique au dossier du Sahara, mais sans jamais se soucier d'une généralisation au reste du territoire national. Les propos recueillis de Benaissa en faveur des
autonomies dans tout le territoire marocain (Aujourd'hui le Maroc, 10/8/2004) ont été vite démentis par le ministre des affaires étrangères !
Mais voilà que maintenant le chef suprême de l'Etat, Le Roi Mohammed VI en personne, en parle, lors de son dernier discours, à l'occasion du 29e anniversaire de la marche verte, en mettant clairement l'accent sur sa volonté, en l'occurrence : « Un Maroc fondé sur une
régionalisation efficiente, cohérente et harmonieuse, permettant à l'ensemble de ses régions de gérer de manière autonome ou dans le cadre d'une large décentralisation, selon leurs spécificités, leurs développements socio-économiques et culturels, dans le respect de la souveraineté, de l'unité nationale et de l'intégrité territoriale du Royaume ». Des propos
courageux et novateurs fort en syntonie avec la ligne revendicative du mouvement amazigh en ce qui concerne la Régionalisation. Cette dernière a été exposé de manière explicite au sein de la « Charte des revendications amazighes à propos de la révision du texte constitutionnel » du juin 2004/2954, qui mentionne notre demande du passage de l'Etat marocain «centralisé et unitaire» à l' «Etat des Régions».
Bien sûr, que « l'Etat des Régions » auquel on aspire ne devrait en aucun cas reposer sur l'actuel cadre de la régionalisation au Maroc, imposé par le défunt Roi Hassan II et élaboré par l'ex-ministre de l'intérieur, Driss Basri, qui s'est basé sur des considérations administratives, électoralistes et sécuritaires. Déjà, dans les dispositions générales du dahir n° 1-97-84 du 2 avril 1997 portant sur la promulgation de la loi 47-96 relative à
l'organisation de cette région et au sein du tout premier article, il est signalé que ''le conseil régional ne peut délibérer sur des affaires à caractère politique ou étrangères aux questions d'intérêt régional''. Ce qui vide par conséquent la « région » de ses prérogatives en ce qui concerne le développement économique, social et culturel, auquel elle est dévouée.
Ainsi, sur le terrain, et après des années d'application, la région s'est réduite de façon caricaturale à organiser des festivals musicaux et des manifestations folkloriques !
La régionalisation qu'on voudrait afin que nos régions, surtout du soit disant «Maroc inutile » habité principalement par des populations amazighophones, décollent économiquement pour de bon et afin de favoriser l'amélioration des conditions de leurs vies est celle des autonomies
régionales qui possèdent des prérogatives élargies, en s'inspirant des modèles canadiens ou européens réussis tel l'espagnol. Ceci dans le cadre d'une décentralisation politique poussée, avalisée par la révision de la loi suprême, et qui impliquerait un partage du pouvoir central avec les régions. Ces dernières devraient être dotée des statuts qui préconisent l'élection
d'Assemblées Régionales, élues au suffrage universel direct ; et non pas, comme c'est le cas maintenant, de représentants désignés à partir des élus corrompus des collectivités locales et des chambres professionnelles, en ayant un exécutif des représentants makhzénien formés par les gouverneurs et les walis, au lieu d'un exécutif issu du Parlement Régional, élu toujours au
suffrage universel direct.